Nous démarrons la publication d’une grande série d’interviews de médiateur numérique en bibliothèque ou hors bibliothèque.
Les enjeux de la démarche étaient de recueillir des données factuelles permettant de dégager de grandes tendances en termes de compétences et de types d’accompagnements des usages dans des contextes pluriels.
Avant de commencer, on se posait quelques questions comme : Y-a-t-il des différences dans la façon d’aborder l’inclusion numérique en et hors bibliothèque ? Des lignes claires se dégagent-elles dans le positionnement professionnel ? Les différents médiateurs numériques connaissent-ils leurs champs d’intervention réciproques quand ils n’évoluent pas dans le même contexte?
L’enquête nous apporte des réponses que l’on vous livrera d’ici quelques semaines.
Dans l’attente, on vous propose la publication d’une série de portraits.
Personne interviewée : Philippe Denis Territoire : Ville de Lorient Poste occupé : Référent AtelierLab – Réseau des médiathèques de Lorient Etablissement : Médiathèque François Mitterrand |
- Quel est votre parcours d’études ?
Mon parcours d’études est très particulier : un BEP compta, un Bac G , un Deug d’Histoire, une Licence Pro USETIC à Rennes 2 et un Master en sciences de l’éducation (TEF : technologie en éducation et en formation) gérés par Pascal Plantard durant ma période de reprise d’études entre 2007 et 2010.
- Quel est votre parcours professionnel ?
Après de multiples petits boulots, j’ai été rattrapé par mes obligations de service militaire que j’ai refusées en prenant la voie d’un service en objection de conscience. La Mairie de Lorient recherchait quelqu’un pour la médiathèque de Lorient. J’ai commencé en janvier 1997 et j’ai ensuite enchaîné un contrat de 5 ans lors du dispositif emplois-jeunes en tant qu’animateur multimédia. Je suis devenu titulaire de la Fonction publique territoriale en 2004.
- Vous sentez-vous légitime aujourd’hui dans le domaine de la médnum ?
Après 25 ans de pratique oui, mais cela n’a pas toujours été le cas. Au début des années 2000, l’animation multimédia était à la marge ; elle n’allait pas de soi dans un univers plutôt centré vers le livre : « pas du vrai travail de bibliothécaire ». Aujourd’hui, la médiation numérique est moins technique et plus culturelle : EMI, fabrication numérique, …. Elle renvoie à des missions tout à fait légitimes aujourd’hui dans un service public comme la bibliothèque mais je ne me considère pas comme appartenant à la communauté des bibliothécaires.
- Pour vous, quelles sont les missions d’un médiateur numérique ? Que mettez-vous dans votre périmètre, et que mettez-vous en dehors ? La question « de faire avec » versus « faire à la place de » se pose-t-elle fréquemment ?
Les missions principales sont d’accompagner les personnes dans leurs usages des services numériques ainsi que sur leurs outils sans a priori et selon nos connaissances et compétence. Surtout en se posant moins la question de « qu’est-ce qu’on peut faire ou qu’est-ce qu’on ne fait pas ! » Je précise que l’on accompagne en fonction du besoin et dans un cadre légal. Parfois on fait un peu « à la place de » mais comme une façon de « faire avec ». Les deux ne s’opposent pas, il n’y a pas de frontière entre les deux.
En 25 ans de carrière, j’ai très peu fait « à la place de » intégralement. Mais pour moi la question ne se pose pas en amont. J’ai l’impression que cette notion de « à la place de » est sortie du chapeau avec le dispositif « Aidant connect » de l’ANCT qui propose une habilitation pour des professionnels pour faire à la place, pour le compte d’un usager pour réaliser des démarches administratives en ligne. Il est devenu pratique de sortir l’argument « on ne fait pas à la place de » puisque maintenant « Aidant connect » existe. Pour moi c’est comme pour se dédouaner de toutes sortes d’accompagnement services administratifs dématérialisés alors que les demandes sont toujours existantes dans les bibliothèques.
- En tant que médiateur numérique, quelle est votre place dans votre équipe / service ? Quels liens sont tissés entre votre activité et celle de vos collègues ? Quelles compétences sont déjà partagées ? Quelles compétences mériteraient d’être davantage croisées ?
On est une grosse équipe (pôle informatique, médiation numérique et service innovant) comportant 6 personnes : médiateur numérique, informaticien, cadre, ….
Au sein du pôle, il y a du partage de compétences indispensable.
Depuis septembre 2023, on est désormais une équipe (pôle informatique, médiation numérique et service innovant) comportant 6 personnes : médiateurs numériques et jeux vidéo, informaticien, cadre, …Au sein du pôle, il y a du partage de compétences indispensable. Désormais l’espace numérique n’est plus le « village gaulois » au sein de l’établissement mais ce n’est pas encore tout à fait dans les habitudes d’avoir le réflexe de travailler ensemble. On donne très souvent les idées, on vient plus rarement nous chercher même si ça s’améliore considérablement depuis quelques mois.
- Selon vous, dans les années qui viennent, comment va évoluer la médnum et le métier de médiateur numérique en bibliothèque ?
Le métier de médiateur numérique évoluera de manière positive si on se place sur des champs peu abordés par les Maisons France Services : le numérique créatif et culturel, l’EMI… en mettant l’accent sur apprendre le numérique par la création. Les médiathèques ont été précurseurs dans la médiation numérique comme le rappelle souvent le chercheur Pierre Mazet et nous aurons toujours toute légitimité à mener des actions.
- Quel type de public vient vous voir, et quel est son besoin, quelles sont ses demandes ?
Il est difficile de dresser une typologie précise des publics tellement les particularités sont nombreuses. Si l’on schématise, pour les ateliers de médiation en semaine : les personnes âgées en grande majorité avec beaucoup de femmes, le samedi tous les âges mais avec beaucoup de jeunes notamment fabrication numérique ou MashUp. La tranche 25 – 40 ans est peu représentée.
Les SDF ou les personnes en grande précarité utilisent les postes en accès libre.
Chez nous, Il y a des animations collectives qui fonctionnent bien : les cycles sur la photo et l’image, les activités éducatives aux médias et à l’information, les animations autour de la fabrication numérique. A l’inverse, il y a des choses qui ne fonctionnent plus du tout collectivement : ateliers smartphones, les bases de l’informatique et de l’internet, les ateliers sur les réseaux sociaux numériques. Il faut dire que depuis deux ans, il y a beaucoup d’activités d’inclusion numérique sur le territoire lorientais, toutes les maisons de quartier s’y sont mises ainsi que d’autres structures avec l’aide du dispositif conseiller numérique France Services. C’est plutôt une bonne chose.
—> Du coup, on se recentre sur des ateliers « Culture numérique » et du créatif. En janvier 2024, je commence des ateliers « IA ».
- Sur quels matériels et logiciels intervenez-vous (ceux du public, ceux de la bibliothèque, les vôtres) ?
Les matériels et les logiciels sont ceux du public (smartphones, tablettes, ordinateurs portables, liseuses) ou de la bibliothèque (ordinateurs, tablettes, outils de fabrications numériques). Le matériel du public est très fréquemment l’objet de l’intervention.
- Avez-vous les moyens de faire votre travail de médiateur (matériels adaptés, réseau Wi-Fi accessible, accès possible aux sites les plus fréquents, etc.) ?
Le filaire et le Wifi dédié de la ville marchent bien (pas besoin de clé 4 G). Aujourd’hui, peu de blocages, quelques sites pour les postes en accès libre.
- Quel est votre rayon d’action géographique ?
La ville de Lorient : dans la médiathèque et les 2 bibliothèques de quartier. Ponctuellement hors les murs dans les maisons de quartier.
- Intervenez-vous dans des actions de médiation autres que numériques ?
Oui, de la médiation culturelle en section image et son. Et au quotidien de la médiation sociale : parler, être écouté, etc.
- Si vous avez été médiateur numérique en dehors des bibliothèques : quelles sont les différences ?
Oui en association. Avant, il n’y avait pas de différences avec les EPN, peut-être que maintenant on se démarque des services France service pour tendre vers des services créatifs (fablab), d’EMI, de culture numérique (la sobriété, le libre, la création). On met aussi en avant des ressources internes (portail, services en ligne : ma médiathèque numérique, tout apprendre, la philharmonie, etc.).
Oui
- Si oui, pour quels services ?
Les BU énormément.
- Si non, pourquoi ?