Nous démarrons la publication d’une grande série d’interviews de médiateur numérique en bibliothèque ou hors bibliothèque.
Les enjeux de la démarche étaient de recueillir des données factuelles permettant de dégager de grandes tendances en termes de compétences et de types d’accompagnements des usages dans des contextes pluriels.
Avant de commencer, on se posait quelques questions comme : Y-a-t-il des différences dans la façon d’aborder l’inclusion numérique en et hors bibliothèque ? Des lignes claires se dégagent-elles dans le positionnement professionnel ? Les différents médiateurs numériques connaissent-ils leurs champs d’intervention réciproques quand ils n’évoluent pas dans le même contexte?
L’enquête nous apporte des réponses que l’on vous livrera d’ici quelques semaines.
Dans l’attente, on vous propose la publication d’une série de portraits.
Personne interviewée : Elisabeth D. Poste occupé : Médiatrice numérique et référente accessibilité Etablissement : Médiathèque Gaston Baissette, ville de Mauguio Carnon (34130) |
- Quel est votre parcours d’études ?
Maîtrise de philo, bifurcation → CAFB Massy → concours bibliothécaire
2014 Animacoop : animer un projet coopératif
2015 Master 2 Sciences du langage, spécialité Gestion des connaissances, formations et médiations numériques (Parcours Pro)
- Quel est votre parcours professionnel ?
Responsable d’un secteur musique, puis pendant 19 ans une expérience de direction de médiathèque, et depuis 2014, responsable de l’espace multimédia avec des missions transversales (médiation numérique, accessibilité, webmastering éditorial).
- Vous sentez-vous légitime aujourd’hui dans le domaine de la médnum ?
Oui, au bout d’un long processus d’auto-formation. Le plus important a été d’apprendre à apprendre, d’apprendre à mobiliser des ressources pour se débrouiller dans des environnements numériques qui évoluent en permanence. Mais j’accepte aussi aujourd’hui sans problème de ne pas toujours avoir de réponse, et de ne pas savoir faire.
Je me suis rendue compte très rapidement que ma formation en pédagogie et sur les démarches de projet centrées utilisateur et collaboratives étaient un atout dans un milieu focalisé sur les technologies.
Le sentiment d’être utile pour les personnes que j’accompagne renforce grandement mon sentiment de légitimité.
- Pour vous, quelles sont les missions d’un médiateur numérique ? que mettez-vous dans votre périmètre, et que mettez-vous en dehors ? La question « de faire avec » versus « faire à la place de » se pose-t-elle fréquemment ?
L’objectif premier est de permettre aux personnes qui nous sollicitent pour un accompagnement d’être autonomes sur des usages qui leur semblent prioritaires, et d’ouvrir des perspectives sur des pratiques du numérique qui auraient du sens pour eux, pour s’exprimer, interagir avec les autres, apprendre…
Très souvent, des personnes désemparées nous demandent dans une situation d’urgence (essentiellement dans des situations d’accès aux droits administratifs) « de faire à leur place ». Mais si on creuse un peu, ce qu’ils nous demandent, ce n’est pas de remplir la déclaration des revenus par exemple, mais de les aider à se connecter à leur compte ou de trouver sur le site le bon document. Cette demande rentre tout à fait dans nos missions me semble-t-il. On accepte de faire à leur place une partie du chemin, en côte à côte, en explicitant toutes les étapes à voix haute. On leur propose de prendre la main, parfois ça marche ; on reste à côté d’eux. Et on en profite pour leur proposer un accompagnement personnalisé sur plusieurs heures.
Si vraiment la demande porte sur la saisie d’informations personnelles, nous les orientons vers les conseillers numériques de France services sur la commune. Nous ne sommes pas habilités « aidant connect ».
- En tant que médiateur numérique, quelle est votre place dans votre équipe / service ? Quels liens sont tissés entre votre activité et celle de vos collègues ? Quelles compétences sont déjà partagées ? Quelles compétences mériteraient d’être davantage croisées ?
Je suis responsable de l’espace multimédia (2 personnes) au sein de la médiathèque qui comprend 4 secteurs, « adultes », « musique et cinéma », « jeunesse ». J’interragis avec mes collègues sur des fonctions transversales, le webmastering éditorial du site, l’administration du SIGB, la valorisation des ressources numériques en ligne, mon collègue sur la maintenance des PC publics, l’aide à l’utilisation de logiciels de gestion maison.
Dans le cadre de notre programmation, nous essayons, au moins sur un ou deux projets par an, de construire avec nos collègues ; par exemple, un atelier mashup à partir d’extraits de films cultes, la création d’un livre numérique à partir d’un auteur jeunesse invité à rencontrer des scolaires. La lecture numérique, qui est mon « dada », et qui est d’abord de la lecture, est une bonne entrée en matière pour collaborer. Cette transversalité ne se met pas en place naturellement, elle doit vraiment être poussée par notre direction. Je crois qu’il faut faire attention à partir des idées des collègues plutôt que d’impulser des projets qui reposent sur des compétences numériques qu’ils ne souhaitent pas acquérir et que nous avons renoncé à leur imposer.
- Selon vous, dans les années qui viennent, comment va évoluer la médnum et le métier de médiateur numérique en bibliothèque ?
Je pense que nous attendons tous une clarification des missions et des compétences des différents acteurs de la médnum (insertion sociale, makers-bibliothèques-CDI, acteurs de l’inclusion) pour pouvoir coopérer, sachant aussi que cette coopération ne peut se faire sans la volonté politique des élus locaux.
J’espère qu’on pourra développer des objectifs de formation pour chaque type d’acteurs avec un socle commun sur la pédagogie capacitante et la culture numérique.
En bibliothèque, idéalement, il faudrait décloisonner la médiation numérique qui concerne toutes les missions de la bibliothèque, de l’accès à la lecture, à l’EMI, en passant par l’action culturelle…
Plus concrètement, les bibliothèques doivent privilégier l’appropriation d’une culture numérique. La fabrication numérique, les activités intergénérationnelles sont des entrées passionnantes. En réalité, nous sommes des lieux ouverts, avec une très grande liberté d’action pour imaginer des dispositifs adaptés à nos publics.
- Quel type de public vient vous voir, et quel est son besoin, quelles sont ses demandes ?
Nous accueillons une grande diversité de profils :
- Enfants-ados : jouer à des jeux vidéo, ateliers créatifs, accès aux réseaux sociaux, au web
- Adultes « éloignés du numérique » : être autonome sur son PC ou son smartphone
- Ados et adultes sensibilisés à des usages créatifs du numérique : impression 3D, montage vidéo, création de site…
- Tout public : imprimer un document, recharger son smartphone
- Enseignants : des ateliers pour leurs élèves autour de l’EMI
- Sur quels matériels et logiciels intervenez-vous (ceux du public, ceux de la bibliothèque, les vôtres) ?
Pour les accompagnements individuels, nous intervenons sur le matériel des personnes (PC portable, smartphone, tablette).
Pour les ateliers et formations collectifs, nous utilisons nos 7 PC.
Nous privilégions les logiciels libres. (bureautique, création multimédia, publication, collaboration)
- Avez-vous les moyens de faire votre travail de médiateur (matériels adaptés, réseau Wi-Fi accessible, accès possible aux sites les plus fréquents, etc.) ?
Oui.
- Quel est votre rayon d’action géographique ?
Le bassin de lecture de la médiathèque.
- Intervenez-vous dans des actions de médiation autres que numériques ?
Oui, auprès d’enfants et d’adolescents en situation de handicap (lecture, ateliers créatifs), dans le cadre de projets d’action culturelle (valorisation du patrimoine).