Machine à dessiner :

Le polargraph (ou plotter vertical / V-plotter) est une machine à commande numérique (CNC) qui dessine, créée par Sandy Noble, un maker écossais qui partage ses fichiers en Open-Source et Open-Hardware. Cette version de plotter vertical – il en existe de nombreuses variantes – a le mérite d’être continuellement actualisée sur son « github » qui contient toutes les ressources : https://github.com/euphy/polargraph/wiki. De plus, l’auteur répond rapidement aux demandes sur son forum y compris pour ceux n’ayant pas acquis le Polargraph SD, une version en kit que Sandy vend. Un guide de réalisation (en anglais) est aussi disponible sur le site de tutoriels Instructables : http://www.instructables.com/id/Polargraph-Drawing-Machine/

Le Polargraph est finalement un traceur* c’est à dire l’ancêtre de nos imprimantes. Apparue dans les années 60, cette machine déplace un stylo sur deux axes au dessus d’une feuille. Basé sur Processing et Arduino, ce drawbot vous permettra de dessiner des photos, illustrations, logos et autres images vectorisées sur un plan vertical tel qu’un mur, une plaque en bois, une affiche ou encore une vitre avec l’outil de votre choix (feutre, crayon, fusain, craie grasse, pastels…). Pour son auteur, il faut percevoir cette machine à la mécanique rudimentaire comme un antidote aux formats standardisés de la reprographie contemporaine, une manière de rappeler que la perfection et l’instantanéité de nos « technologies de l’enchantement » (cf. Marine AZNAR sur le cas Apple) quasi magiques nous mettent aussi souvent « hors de contrôle ». En effet, si la machine est plutôt rudimentaire dans sa construction, on est loin de la vélocité et de la perfection de nos imprimantes modernes prêtes à l’emploi. L’intérêt du projet est aussi de prendre le temps de concevoir, de décomposer les étapes pour mieux les comprendre. La compréhension du langage de la machine est un bon exemple. Chaque commande (envoyée par le port série vers l’Arduino) s’affiche dans la console du logiciel : cela rend le projet plus lisible et participe à la sensation de maîtriser l’ensemble du processus de création. A chaque action rudimentaire correspond un code : lever plume, baisser plume, se déplacer sur les axes X-Y… Liste des commandes : http://gontarczyk.org/gs/polargraph/polargraph-commands/

C’est dans ce contexte que de nombreux artistes numériques ont su exploiter le polargraph et ses déclinaisons. La dimension analogique du crayon naturellement empreint d’imperfections et la chorégraphie de la « gondole » (porte-stylo) qui fait lentement apparaître l’image offre une expérience assez inédite pour une simple CNC. Elle donne l’impression de se tenir devant une machine capable de reproduire des actions a priori exclusivement humaines : celles relevant de l’art. Outre le fait que, de part sa conception, le polargraph produit des œuvres à chaque fois unique, la machine n’est pas aliénée à un code, ni à un design mécanique mais au contraire invite à hacker, à inventer de nouvelle manière de dessiner. Par exemple, la préparation/vectorisation du dessin peut consister à redécouvrir Inkscape (et sa fonction pavage de clones : une forme basique comme une lettre est reproduite des centaines de fois pour constituer le dessin), expérimenter une des nombreuses bibliothèques processing (les Voronoi de StippleGen ) ou fleurter avec l’art génératif de NodeBox. Générer un graphisme s’apparente alors à de la programmation.

A ce propos, le projet open source « Makelangelo » de Dan Royer offre un logiciel de contrôle différent avec des styles de vectorisations des plus sympathiques. (https://github.com/MarginallyClever/Makelangelo-software )

Le contrôleur de moteur est un shield, un module qui s’enfiche sur l’arduino

Shield

Matériel :

  • une planche rigide avec des équerres pour assurer la position verticale deux moteurs pas à pas (Nema 17 en 0.4A)
  • un petit servo moteur de type SG90 qui soulèvera/baissera le feutre
  • une carte Arduino Uno un contrôleur de moteur équivalent à l’Adafruit V1 (L293D shield) [Fiche technique]
  • une alimentation externe pour l’arduino (9_12V, 1A)
  • un câble USB A/B pour l’arduino un ordinateur (Linux, OSX ou Windows) avec les logiciels Processing v2.2.1, et Arduino ainsi que le firmware
  • Arduino et les bibliothèques (AFmotor et Accelstepper) le logiciel « contrôleur » qui est une application Processing (disponible aussi en Java pré-compilé)
  • des éléments imprimés en 3D (support de moteurs et de stylo, courroies…) La version de [daGHIZmo] fonctionne très bien mais je l’ai complété par une courroie et deux poulies GT2 (identiques à celles que l’on trouve dans les imprimantes 3D) 3 piles LR20 pour le contrepoids une chaîne à bille pour store (ou une courroie GT2)

Une variante assez répandue consiste à utiliser un shield RAMPS et un Arduino MEGA. Dans cette configuration, il est possible d’utiliser le lecteur de carte SD intégré au shield et de tracer depuis un fichier contenu sur la carte SD (le Gcode est interprété par le programme comme avec une imprimante 3D) et donc de pouvoir se passer d’un ordinateur branché en continu…

Lancer un dessin  :

Si tout est bien branché, les logiciels installés et calibrés (il faut indiquer notamment la taille de la planche et des poulies) vous devez pouvoir diriger le feutre là où vous le souhaitez grâce à la commande « Move pen to point ». Pour lancer un dessin, différentes options s’offrent à vous. Le logiciel contrôleur du polargraph peut ouvrir une image vectorielle au format svg ou interpréter un bitmap (jpg ou png). Pour la première option, il est possible de récupérer sur des banques photo des vecteurs comme des illustrations en noir et blanc tombées dans le domaine publique.

Pent to point

Vous pouvez aussi vectoriser vous-même des photographies soit avec Inkscape, soit avec un petit programme comme Halftoner (http://jasondorie.com/page_cnc.html) qui peut traduire un bitmap en une grille de points avec la technique du demi-ton.

Inkscape pour préparer vos fichier

C’est l’occasion d’évoquer cette technique de reprographie ancienne encore utilisée par les imprimantes modernes qui ne peuvent imprimer que des points d’encre. Elles les arrangent de telle sorte que l’œil humain ne discerne plus ces points mais les intègre pour donner une illusion de plusieurs niveaux de gris.

Le procédé demi-ton réduit l’image imprimée à une seule encre (donc deux niveaux de gris avec le blanc du papier) en formant des points de différentes tailles (modulation d’amplitude) ou écarts (modulation de fréquence). Cette reproduction est basée sur l’illusion d’optique que ces minuscules points forment plusieurs niveaux de gris. Les points de petite taille permettent de reproduire les zones claires et les points de grande taille les zones sombres. De même, l’impression en couleurs est rendue possible par la répétition du procédé demi-ton pour chaque couleur fondamentale. Certains possesseurs de Polargraph « s’amusent » d’ailleurs à simuler la quadrichromie CMYK avec des feutres de quatre couleurs !

Temps de création  :

Avec la partie logiciel, calibrage et tests, comptez une dizaine d’heures à condition d’avoir tout le matériel… A défaut de chaînettes de type store à billes, j’ai longtemps utilisé un simple fil avant de réaliser qu’une courroie d’imprimante 3d ne coûte que quelques euros ! Différents rendus graphiques Clin d’oeil à Hektor, l’ancêtre du polargraph


* Les traceurs à plume ont été remplacés par des imprimantes jet d’encre et laser y compris dans leur version industrielle grand format. Ces dernières sont d’ailleurs encore appelées traceurs bien que cela ne soit plus des appareils de traçage mais plutôt d’impression.

Jean Alvin Médiateur numérique. Médiathèque du Bois Fleuri LORMONT https://www.mediaenlab.com/