J’ai réalisé une boîte à musique et histoires pour enfants basée sur le code open source « TonUINO » de Thorsten Voss : https://www.voss.earth/tonuino.

C’est un projet personnel, dans la mesure où il est destiné à ma fille, mais il devrait intéresser des parents un peu bricoleurs et a fortiori des fablabs ou des lieux avec un intérêt pour la fabrication numérique comme certaines médiathèques.  Le projet est d’ailleurs assez ouvert pour s’adapter à différents contextes et publics. Le coffret en bois et l’impression 3D utilisés ici ne sont pas indispensables. Le réceptacle peut aussi être un doudou, une boîte recouverte de feutre ou un vieux magnétophone. Hormis le haut-parleur, la batterie et les quelques composants électroniques, seul un fer à souder est nécessaire. Pourtant, quel que soit le niveau de personnalisation envisagé (choix d’un design, des composants, assemblage ou programmation de nouvelles fonctionnalités), concevoir un TonUINO est toujours formateur : passer de l’idée à la fabrication d’un objet déboulonne notre rapport passif aux produits et rassure sur notre capacité à agir sur le réel !

Plutôt qu’une méthode pas à pas pour reproduire un projet déjà bien documenté (certes en allemand), je voudrais avec ce billet simplement faciliter sa diffusion auprès des makers francophones. Il en existe d’autres assez similaires comme la PhonieBox, aussi en licence libre, et basée sur un Raspberry. Mais l’Arduino, avec sa consommation réduite et son démarrage très court, est plus adapté, en tout cas dans ce projet sans connexion internet.

Le principe est très simple : il suffit de poser une puce RFID préalablement configurée sur le dessus de la boîte pour que le contenu audio (histoires, musiques), stocké sur une carte MicroSD, soit diffusé. Les contenus sont enregistrés par l’utilisateur avec la possibilité évidente d’enregistrer ses propres histoires et de mettre à contribution la famille comme avec cette cassette des “Histoires de Papy” !  

Rappelons aussi que la copie d’une œuvre à titre privé est légale lorsqu’elle est réalisée à partir d’une source licite (emprunt dans une médiathèque par exemple) et par un moyen de copie privé (ordinateur personnel). 

Les composants du projet sont quasi identiques à Spot, le jukebox RFID que j’ai conçu il y a quelques années. L’avantage de TonUINO réside dans sa large communauté (essentiellement germanophone donc) et sur son code qui inclut de nombreuses fonctionnalités dont l’écriture des étiquettes RFID. Pour associer une étiquette RFID vierge à un album ou à un titre audio, il suffit de la poser sur le lecteur. Une voix synthétique en français (à condition d’utiliser les fichiers audio mentionnés plus bas…) vous indique alors : « C’est une nouvelle carte ! ». Et ensuite on peut, en écoutant les consignes audios qui invitent à utiliser l’un des 3 boutons, naviguer dans les répertoires de la carte SD pour choisir un album ou un titre. L’intégration de nouvelles étiquettes est ainsi facilitée ! Ensuite la voix vous demande de choisir un mode de lecture : “radio” pour une lecture aléatoire sur un dossier ou “album” pour une lecture intégrale. Il existe d’autres modes de lecture :  

  • “Livre audio” qui mémorise les chapitres pour reprendre là où on s’est arrêté 
  • “Sommeil” qui éteint automatiquement le TonUINO à un moment défini 
  • “Stop danse” qui crée des pauses aléatoires pendant une musique 
  • “Ecole maternelle” pour éviter des querelles, les nouvelles cartes ne passent pas avant que le titre actuel soit terminé. 

Après validation du mode avec le bouton central, la voix vous confirme que la carte est bien programmée.
D’autres options comme le volume maximum ou la possibilité de reconfigurer une carte déjà utilisée sont accessibles via le menu administrateur. On accède à ce menu en appuyant simultanément sur les 3 boutons ou, plus pratique et sûr, au moyen d’une carte RFID administrateur. 

Finalement, ce projet n’a rien à envier à des solutions commerciales de surcroit plus onéreuses ! Il existe même une application Android pour programmer les cartes.  Concernant le tarif, l’ensemble des composants indispensables coûte une cinquantaine d’euros (Batterie : 14€, HP : 12€, Composants achetés en Asie : 24€) auquel j’ai ajouté un coffret en bois Casani à 8€.
Sur la page officielle du projet, vous trouverez toutes les informations : la liste du matériel, un schéma de connexion et la partie logicielle. Après avoir installé 3 bibliothèques Arduino (MFRC522, DFPlayer Mini Mp3 by Makuna et JC_Button), il vous faudra téléverser le fichier « Tonuino.ino » à récupérer sur le Github original.

Matériel de base :

  • un Arduino Nano
  • un lecteur MP3 DFplayer mini
  • un module RFID RC522
  • un haut-parleur d’une impédance de 4 à 8 ohms (j’utilise un Visaton FRS 8)
  • une batterie (J’utilise l’Intenso Powerbank PM5200) 
  • une carte Micro SD (maximum 32 Go)
  • 3 boutons (j’utilise des bouton-poussoir en métal de 16mm de marque Jotta) 
  • des câbles jumper ou autres, une résistance 1K, un interrupteur à bascule avec LED (12v) 
  • un lot de puces RFID (j’utilise des étiquettes autocollantes Ntag 213 en 26mm)

En option :

  • une extension pour carte MicroSD
  • une prise USB pour montage sur panneau
  • 4 boulons M4 en lien avec 4 inserts filetés M4 
  • 4 boulons M3 et écrous pour maintenir le HP 
  • un câble USB micro vers USB A pour la batterie 
  • un câble USB mini vers USB type A pour relier l’Arduino à l’interrupteur 
  • 6 baguettes en bois fixées avec un pistolet à colle chaude (dont 4 percées pour les inserts)

Le DFPlayer Mini possède déjà un petit amplificateur mono qui permet d’alimenter directement un haut-parleur passif.
Note : Le créateur vend aussi une carte électronique facultative qui permet de relier les composants de manière plus professionnelle ainsi qu’une carte “tout-en-un ». 

Chaque TonUINO est unique !

Certains utilisent des boites à mouchoirs en bois ou recyclent des caissons de HP, d’autres conçoivent des designs en 3D recouverts de feutrine. De plus, certains makers ajoutent des fonctions high-techs comme le tactile, la détection de mouvement avec des capteurs gyroscopiques ou encore la recharge sans contact… La communauté Github est assez dynamique de ce point de vue. La conception artisanale et la personnalisation jusque dans le choix des composants aboutit à une infinité de déclinaisons que l’on peut observer sur ce fil de présentation des nouvelles constructions. 

Je me lance donc avec cette version inspirée du design de Hijack basée sur une boite en bois de hêtre « Casani » (distribuée par Boesner) avec une différence de taille puisque seule la version en profondeur 60mm est disponible en France (dimensions : 150x150x60). Celles de Hijack ont une profondeur de 90mm. J’ai fait arrondir les angles (merci Michel !) et passé une couche d’huile protectrice.
J’ai aussi repris le principe d’un cache en tissu mais il ne recouvre pas la totalité du boitier comme dans la version de Hijack car j’ai préféré positionner les boutons de contrôle à l’avant. La difficulté à faire tenir mes boutons dans cette épaisseur de bois explique aussi ce choix ! J’ai donc modélisé une plaque qui soutient à la fois le haut-parleur et les boutons. Concernant les commandes, c’est un modèle 3 boutons (une version 5 boutons est aussi prévu dans le code de Thorsten avec les commandes de volume bien distinctes ou un potentiomètre). Le bouton central permet la pause et la reprise de la lecture tandis que les 2 boutons extérieurs permettent soit de baisser/augmenter le volume par un appui court, soit d’aller à la piste suivante/précédente par un appui long.

J’avais prévu une signalétique en stickers découpés pour ces boutons mais ma fille ne m’en a pas laissé le temps et se débrouille sans…

Autre différence, nécessaire pour la compréhension des menus : la traduction en français des fichiers d’annonces avec un outil de synthèse vocal comme Text2speech. Un certain “Nanos” a déjà réalisé ce travail qu’il partage via ce lien. Il faudra simplement remplacer les dossiers “advert” et “MP3” du projet de Thorsten. 

Pour ajouter de nouveaux fichiers MP3 ou WAV, il faut connecter la carte MicroSD à un ordinateur. L’accès à cette carte se fait assez simplement en retirant le cache textile. Attention à bien renommer les fichiers : le DF Player ne reconnaît que les 3 premiers caractères du nom : 001.mp3 à 255.mp3. Ces fichiers audio doivent être placés dans des dossiers (équivalent d’un album) de 01 à 99 à la racine du disque.
Ce cache imprimé en 3D et recouvert de tissu permet de protéger le HP mais aussi la carte MicroSD accessible grâce à une extension. Autrement, à la merci des petites mains curieuses, elle serait rapidement extraite… La fixation du cache a fait l’objet de 2 prototypes pour aboutir à une solution à base d’aimants (4 disques néodymes en diamètre 0.8) qui se positionnent en face des vis de fixation du HP. Il faut faire levier avec un outil plat pour le détacher.

Au dos de la boîte se trouve un interrupteur avec une diode intégrée qui délivre juste assez de courant pour éviter que la batterie ne s’éteigne au bout de quelques minutes (un problème récurrent des projets alimentés par ce type de batterie…). On y trouve aussi l’embase USB pour recharger la batterie avec un chargeur classique de téléphone. Pour relier le câble USB à l’interrupteur à bascule à 3 pattes, il faut le couper pour ne garder que les fils rouges (5v) et noirs (Masse) à relier comme ceci : les 2 noirs sur la patte dorée, le fil rouge de l’Arduino sur la patte du milieu, le fil rouge de la batterie sur la patte restante.
Pour accéder à l’intérieur de la boîte afin de modifier le programme Arduino, il faut dévisser la plaque principale qui supporte aussi les 3 boutons. Elle est posée sur des entretoises en bois collées avec de la colle chaude qui accueillent les boulons grâce à des inserts filetés à bois. Pour minimiser les soudures, j’ai utilisé une carte d’extension pour le Nano avec des connectiques à visser. Je me suis ainsi contenté de souder les bornes du module RFID,  la résistance 1k, les câbles USB à l’interrupteur et les masses entre elles. L’intégration est perfectible mais tout rentre dans ce petit espace ! J’essaierai d’optimiser cet aspect dans une prochaine version…

En l’état, avec le HP Visaton, la qualité du son est assez surprenante au vu de la taille de la boîte !

Des cassettes à personnaliser 

Les cartes contenant les puces RFID peuvent être personnalisées pour correspondre au contenu et permettre à l’enfant de les distinguer. J’ai ainsi modélisé des cassettes à imprimer en 3d avec deux “fenêtres” : une avec le titre et l’autre plus grande avec le visuel. 

Le principe du jukebox RFID est de rendre tangible de l’audio numérisé. Avec ces cassettes relativement épaisses et aux bords arrondis, la dimension physique est plus évidente. On retrouve (ou plutôt l’enfant découvre), d’une certaine manière, des sensations que l’écoute en streaming n’offre pas et notamment les limites d’une collection qui invite à la réécoute. Autre avantage pour un système audio qui a vocation à résider dans une chambre d’enfant (mais pas dans un lit), le TonUINO, en tant qu’objet non connecté, ne collecte aucune donnée personnelle.

N’hésitez à me faire part de vos réalisations si vous essayez de reproduire un TonUINO. De mon côté, j’ai trouvé ce projet très intéressant d’autant plus qu’il a une utilité au quotidien !

Cette boîte musicale a en effet un grand succès auprès de ma fille qui semble avoir gagné en autonomie. Bien qu’elle n’ait pas encore 3 ans, l’âge recommandé pour ce type d’appareil, elle adore allumer sa boîte et mettre de la musique par elle-même. En grandissant, elle devrait y trouver encore plus d’intérêt avec la découverte des contes et chansons…
Autre point positif, en un mois d’utilisation quasi-quotidienne, je n’ai eu à recharger la batterie qu’une fois.